* Vous avez déjà vu la plupart de ces photos mais peu importe, elles viennent appuyer l'article!
Elle vit en milieu aquatique pendant la plus grande partie de sa vie; le temps qu'elle passe sous l'eau dépend de l'espèce à laquelle elle appartient. Généralement, plus la libellule est grande plus le temps de vie de la larve est long. Il peut atteindre jusqu'à 6 ou 7 ans! Les plus grandes (Aeshnidés, Cordulegastridés...) peuvent mesurer jusqu'à 5 cm.
Selon son espèce, elle va muer plusieurs fois en augmentant le nombre de ses segments abdominaux et les dernières mues vont la préparer à sa vie aérienne.
Vue sur les fourreaux ailaires du dos qui contiennent déjà l'essentiel des ailes:
Larve d'Aeschne des joncs, prête pour l'émergence Aeshna juncea |
Carnassière, elle croque à belles dents tout ce qui bouge de sa taille ou plus petit et peut même s'attaquer à des têtards de batraciens plus grands qu'elle! Sa technique en embuscade est redoutable, elle les attrape en projetant son masque (ou lèvre inférieure) situé sous sa tête; il fonctionne un peu comme un bras replié au repos et qui se détend brusquement.
Larve vivante à la surface de l'eau, retournée sur le dos, on lui voit le masque replié entre les pattes avant:
Aeshna juncea |
Vue plongeante sur les crochets (palpes labiaux) du masque, repliés l'un au-dessus de l'autre, qui permettent à la larve de saisir sa proie:
Aeshna juncea |
Sa respiration est complexe mais pour abréger, elle s’effectue par la ramification des branchies rectales situées dans la zone du rectum.
Avant d'émerger, elle cesse de s'alimenter et entre dans une phase particulière où certains changements s'opèrent sous l'influence de l'ecdysone - hormone stéroïde intervenant notamment dans le processus de la mue de certains insectes - sans qu'elle ait encore à s'immobiliser.
Peu avant sa sortie définitive de l'eau, elle remonte de plus en plus souvent à la surface pour commencer à respirer l'air, suite à la résorption des ramifications branchiales. Si les conditions sont adverses, temps froid ou pluvieux, elle peut retourner à l'eau pour en attendre de plus favorables.
B. L'émergence:
Quand la larve a trouvé un support stable, roche ou tige végétale, elle s'installe à la verticale, tête vers le haut puis elle se fige; c'est le moment ou la libellule est le plus vulnérable et ou les déformations et les chocs sur la kératine encore molle de l'exosquelette peuvent la condamner à mort.
Elle a lieu le plus souvent le matin assez tôt et dure plusieurs heures en fonction de l'espèce; elle peut s'étaler sur la matinée voire jusque dans l'après-midi en fonction de l'état physique de la larve, des conditions météo ou de la présence de prédateurs comme fourmis, araignées, mouches, oiseaux, etc...
La libellule commence en craquant son exuvie par le dos et se bascule à l'envers; lorsqu'il est presque entièrement sorti, il se redresse d'un mouvement brusque et s'y raccroche avec ses pattes: elle va lui servir de support pendants les quelques heures nécessaires à son expansion et à son séchage. Son aspect verdâtre est dû à la couleur de son sang ou hémolymphe pompée dans le corps.
Aeshna juncea |
Aeshna juncea |
Libellula fulva, F |
Libellula fulva, F |
Enfin voici un "nouveau-né", ses marques corporelles sont à présent bien visibles.
Il se repose un long moment après la grosse fatigue de sa sortie de l'exuvie, les yeux sont glauques et le resteront encore quelques jours:
Aeshna juncea |
Voir [ICI...] l'histoire du sauvetage de la larve d'un Onychogomphe de la gueule d'un poisson sur les rives de l'Ardèche, à sa sortie de l'eau pour émerger.
C. L'imago
Les ailes méritent qu'on leur consacre tout un article!
Ce sont les organes de vol les plus sophistiqués dans le monde des insectes.
Revenons un instant au moment de l'émergence:
A l'émergence, chez les anisoptères (les libellules) - par opposition aux zygoptères (les demoiselles) - les ailes sont d'abord opaques avec une teinte verdâtre due à l'hémolymphe.
Dès que celle-ci se retire de la nervation - réseau rigide de nervures qui sous-tend l'aile et sépare les cellules - elles deviennent transparentes et fines comme un film plastique légèrement rigide.
La description des ailes a été codée: les nervures principales délimitant des champs (anal, discoïdal ou post-discoïdal) qui se divisent eux-même en cellules secondaires. Ceci permet d'identifier les genres très précisément.
Elles sont terriblement fragiles et tenter de saisir la libellule par ses ailes à ce moment-là de sa vie est la condamner à coup sûr: les ailes ont toutes les chances d'être détériorées ou de rester collées.
Orthetrum albistylum Codification très simplifiée de l'aile et réflexion de la lumière montrant les indentations |
Les 2 paires d'ailes indépendantes permettent à la libellule un vol parfaitement précis. Elle peut faire du sur-place, des piqués éclairs, reculer, voltiger, se stopper net pour repartir en sens inverse, ne laissant aucune chance à la proie ciblée!
La réflexion de la lumière permet de voir qu'elles ne sont pas plates mais indentées, particulièrement sur la partie supérieure:
Orthetrum cancellatum immature |
Chez la libellule le terme hyalin s’applique aux ailes des jeunes émergés; il se comprend comme translucide, réfléchissant intensément la lumière.
Définition de hyalin, hyaline:
Du latin hyalinus et du grec hualinos, qui a l'apparence, la transparence du verre.
A force de regarder les mâles recherchant les femelles pour s'accoupler, j'ai remarqué qu'ils ignorent celles dont les ailes sont hyalines. Sans être une fonction à proprement parler, cette réflexion intense de la lumière doit agir comme un phare dans l'océan... de verdure et les prévenir qu'elles ne sont pas prêtes!
Libellula quadrimaculata mâle immature |
Libellula quadrimaculata mâle immature |
Détail des ailes d'un mâle Libellule fauve adulte:
Libellula fulva, mâle adulte |
Les ailes restent transparentes jusqu'au vieillissement, phase finale de l'imago (insecte adulte):
Aeshna affinis, cœur copulatoire Les ailes commencent à se déchirer, cette femelle arrive en fin de vie. |
Les ailes sont également un moyen de contact... primitif peut-être mais enfin! On peut les entendre vrombir lorsque les mâles sont excités par la présence de femelles ou énervés par un intrus, je l'ai noté particulièrement avec les Anax empereurs. Les femelles en font autant pour impressionner les mâles quand elles refusent l'accouplement et si cet avertissement n'est pas suffisant, elles se laissent tomber dans la végétation pour se cacher.
Anax imperator, femelle refusant l'accouplement et cherchant à pondre |
Mode vie de l'imago:
La libellule a gardé son expérience de chasseur redoutable et ses proies sont maintenant les diptères, hyménoptères, lépidoptères et autres bestioles qui prolifèrent dans les zones de maturation, pour atteindre un complet développement.
A ce stade, elle doit attendre environ 2 semaines pour être prête pour le but ultime: la reproduction; ce temps s'appelle la maturation.
Généralement les femelles ne vont pas changer de couleur sauf en vieillissant, elles ont alors tendance à s'assombrir considérablement.
Chez certaines espèces, les mâles eux vont carrément changer leurs couleurs comme par exemple Orthetrum cancellatum, Libellula depressa ou encore L. fulva qui virent du jaune au bleu.
Chez le mâle Crocothemis erythraea, le changement de couleur est flagrant.
Pendant quelques jours il garde la même couleur que la femelle...
Crocothemis erythraea, Les cerques rapprochés de ce mâle le trahissent en tant qu'immature |
...puis petit à petit vire du orangé à sa couleur d'adulte:
Crocothemis erythraea, mâle maturant |
pour arriver à ce rouge intense:
Crocothemis erythraea, mâle adulte |
Plus subtile ici, le changement de couleur de ce mâle d'Aeschne affine; on peut voir le bleu définitif gagner l'abdomen par le bout:
Aeshna affinis, mâle maturant |
Bibliographie:
Les libellules de France, de Belgique et Luxembourg
D. Grand et J.-P. Boudot, Parthenope Collection
Guide des Libellules de France et d'Europe
K.-D. B. Dijksrta, Delachaux et Niestlé
Liens Internet:
- Odonates 19, Paul Testard
- Preuves de la création
- http://entnemdept.ufl.edu/creatures/misc/odonata/odonata_french.htm
- Revue-pour-la-Science
Bravo pour ce reportage et les photos d'une grande qualité : le niveau du blog monte, monte, monte !!!!!!
RépondreSupprimerMerci.
Merci JV, on attend tes photos avec impatience!!!
SupprimerQuel boulot de collationner toutes ces informations ! Ton article est très réussi, et tu as su trouver des clichés raccord avec le texte, bravo !
RépondreSupprimerMerci ami Alain,
SupprimerCertaines photos ne sont pas très récentes mais on fait c'qu'on peut avec c'qu'on a! ;-)
Je vais me répéter, mais quel boulot fantastique de documentation et de rédaction ! Et l'illustration visuelle est à la hauteur, un GRAND GRAND bravo ! Cdlt, M.
RépondreSupprimerPS : une pensée en forme d'hommage pour Daniel GRAND, l'éminent odonatologue dont j'ai appris la disparition récente, et dont les publications sont pour nous tous une référence.